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Le Conseiller à la Sécurité nationale des Etats-Unis John Bolton et le Conseiller national à la Sécurité russe Nikolay Patrushev se sont rencontrés à Genève le 23 août 2018 pour la première réunion bilatérale de haut niveau, après le Sommet d’Helsinki.
Patrushev, 67 ans, est un vétéran de la sécurité russe. Il a succédé à Poutine en tant que directeur du Service fédéral de sécurité (FSB) en 1999 et a dirigé l'organisation jusqu'en 2008, date à laquelle il a été nommé Secrétaire du Conseil National à la Sécurité russe. Étant l'un des plus proches confidents du président russe, son mandat en tant que négociateur sur les questions prioritaires, il mérite d’être écouté.
Pour mémoire, le Président américain Donald Trump a été vivement critiqué à Washington après ses remarques lors de la conférence de presse avec le dirigeant russe à l'issue du Sommet d’Helsinki.
Mais quoi qu'il en soit la réunion d'Helsinki a permis de relancer le débat aux États-Unis sur ses relations avec la Russie.
Pour autant, une nouvelle vague de sanctions a été de nouveau imposée par les États-Unis à la suite de ce Sommet ; ce qui a fait du reste chuter le Rouble.
Le Ministère russe des Affaires étrangères avait publié dans la foulée un communiqué affirmant qu'une politique de sanctions "ne menait à rien".
"Peu importe le nombre de vagues de sanctions unilatérales lancées par Washington (leur nombre total est de 55), elles ne seront jamais légitimes."
La confiance des politiciens américains dans de telles restrictions est une tentative visant à dissimuler leur futilité», indique le communiqué.
La veille de la réunion de Bolton-Patrushev, Vladimir Poutine a qualifié les nouvelles sanctions américaines d’ "inutiles" et a déclaré qu'elles n'avaient rien à voir avec le Président Trump, mais plutôt avec "l'établissement américain".
"J'espère que nos partenaires américains se rendront compte très bientôt que cette politique n'a pas d'avenir à un moment donné et que nous pouvons commencer à coopérer de manière normale", a déclaré le chef du Kremlin.
Bolton devait initialement se rendre à Moscou pour des entretiens avec de hauts responsables russes.
Mais le refus à Washington de traiter avec la Russie a amené le Conseiller à la Sécurité nationale des États-Unis et son homologue russe à rechercher un lieu de rencontre plus neutre.
"Pour rétablir les relations entre les Etats-Unis et la Russie, nous devons d'abord savoir si nous avons des points communs et si nos homologues souhaitent [les rechercher]", a confié le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.
Dans ce contexte, l’agenda des entretiens avait été élaboré depuis plus d'un mois par les russes.
Le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Ryabkov, qui a accompagné Patrushev lors des pourparlers de Genève, a déclaré que la présence iranienne en Syrie était l’un des points les plus importants de l’ordre du jour.
Avant de se rendre à Genève, Bolton s'est rendu en Israël et a discuté de la question avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu.
En Israël, Bolton a affirmé que Poutine avait confié à Trump que la Russie ne pouvait pas contraindre les Iraniens à quitter la Syrie.
"Mais il nous a également dit que son intérêt et celui de l’Iran n’étaient pas exactement les mêmes. Nous allons donc évidemment lui parler du rôle qu’ils peuvent jouer», a déclaré Bolton.
"Nous allons voir ce que nous et d'autres pouvons accepter en termes de résolution du conflit en Syrie. Mais la seule condition préalable est le retrait de toutes les forces iraniennes en Iran", a-t-il ajouté.
Le Conseiller à la Sécurité nationale de Trump a expliqué sans ambages pourquoi la Maison-Blanche estimait qu’elle disposait de certains moyens de pression sur le Kremlin à l’égard de la Syrie, affirmant que "les Russes sont actuellement coincés [en Syrie], et qu' ils aimeraient trouver d’autres partenaires pour assumer les coûts de la reconstruction de la Syrie, c’est un formidable défi pour Moscou "
Et le Kremlin de rétorquer : "Il est faux pour quiconque, sans parler de nos homologues à Washington, d'affirmer que la Russie est coincée quelque part. N'oublions pas que des militaires américains sont également présents sur le sol syrien. Cela doit être pris en compte», a déclaré Nikola Peskov.
Patrushev et Bolton se sont assis ensemble pendant cinq heures et n’ont pas publié de communiqué commun, qui, selon les Russes, était à l’origine à l’étude.
"Les Américains ont voulu inclure un point sur notre ingérence dans leurs élections qui, selon eux, a eu lieu et nous le nions. C'est un sujet de discussion mineur. Nous avons suggéré en échange d'inclure un point sur la non acceptation de l'ingérence dans d'autres pays", qui a été refusé.
Malgré les questions épineuses, Moscou a qualifié les négociations de Genève de "constructives".
Patrushev a invité Bolton à Moscou "ou dans toute autre ville russe" pour la prochaine série de consultations, dont la date n'a pas encore été fixée.
Patrushev a présenté à Bolton une série de propositions russes sur une coopération plus poussée que Washington mettrait du temps à examiner.
S’agissant du Moyen-Orient, la question de l’Iran et de la Syrie a été la plus contestée. Les Etats-Unis ont rejeté une proposition russe sur le retrait des forces iraniennes en Syrie en échange de l’atténuation des sanctions contre Téhéran.
En ce qui concerne l’Iran, le Ministre adjoint des Affaires Etrangères de la Russie, Sergueï Ryabkov n’a-t-il pas confirmé que l’Iran s’était rendu en Syrie à la demande officielle du gouvernement syrien pour aider le pays à lutter contre le terrorisme?
Dans cette perspective, l’Agence Tass a rapporté ces commentaires :
« Nous traitons avec beaucoup de respect les mesures prises par l’Iran pour assurer sa propre sécurité et ses propres actions, notamment en Syrie à l’invitation du gouvernement légitime de ce pays, (…) Nous avons de nombreuses incohérences avec les Américains dans ce domaine,[…]
Les approches sont directement opposées dans certains cas, mais ici aussi, ce qui est important, il y a lieu de poursuivre le dialogue concernant la Syrie….[…] Sochi et Astana ne peuvent remplacer Genève ; ce sont des lieux indépendants, et toutes ces pistes se complètent.
Nous supposons que Téhéran a des vues similaires à ce sujet…[…] Dans un avenir proche, de nouveaux contacts auront lieu, y compris sur la plate-forme de Genève, que nous considérons comme une composante importante d’un travail plus important ».
"De fortes différences subsistent entre nous. Mais nous avons également réalisé des progrès sur une série de questions telles que le contrôle des armements, où nous avons entamé des discussions sérieuses sur la prolongation du START III.
Le meilleur résultat à ce jour est que nous avons pu établir une liste de choses sur lesquelles nous pouvons travailler ensemble, où nos agences respectives pourraient interagir pratiquement», a-t-il déclaré.
Et il y a plus, le porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a volontiers glissé que Washington maintenait une présence militaire « illégale » en Syrie.
En réponse à une question de l’agence de presse officielle iranienne IRNA concernant la pression américaine pour le retrait de l’Iran de la Syrie, Zakharova a déclaré :
« Les Etats-Unis devraient d’abord retirer leurs propres forces s’ils veulent discuter du sort des forces étrangères en Syrie. »
Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a insisté pour sa part chemin faisant, pour que toutes les forces étrangères séjournant en Syrie sans le consentement légal du gouvernement syrien quitte le pays.
La discussion n'était guère meilleure sur l'utilisation des armes chimiques en Syrie.
Les Etats-Unis avaient déclaré plus tôt qu'ils étaient préoccupés par la situation à Idlib et avaient promis une réponse ferme si une attaque chimique ordonnée par le Président syrien Bachar El-Assad avait lieu.
Les Russes, de leur côté, craignent que cela ne soit un prétexte à une nouvelle attaque...
De fait, le porte-parole du ministère russe de la Défense, Igor Konachenkov, a affirmé dans un communiqué daté du 25 août 2018, que le groupe djihadiste Hayat Tahrir al-Cham, qui domine à 60% les groupes rebelles réunis dans la région d'Idlib, «prépare une nouvelle provocation pour accuser le gouvernement syrien d'utiliser des armes chimiques contre la population civile».
Selon le Centre russe pour la réconciliation en Syrie, qui a reçu des informations de résidents d'Idlib, « des spécialistes étrangers anglophones sont arrivés dans la localité de Hbit, au Sud de la zone de désescalade, dans le but de mettre en scène une attaque chimique à l'aide d'engins explosifs au chlore», a expliqué le porte-parole, cité par l'Agence de presse Tass.
Il a précisé le timing de la mise en scène, qui pourrait se produire à Kafr Zita «dans les deux jours».
Des habitants du Nord de la Syrie auraient été transportés à Kafr Zita et se prépareraient actuellement à jouer les acteurs de cette mise en scène, a également ajouté le porte-parole. Ce même groupe d'habitants va être utilisé par des «faux Casques blancs» et devrait «filmer des scènes qui seront ensuite diffusées dans les médias du Moyen-Orient, ainsi que dans les médias anglophones»
Voilà somme toute «encore une raison aux forces américaines, britanniques et françaises de mener des attaques aériennes contre les forces du gouvernement syrien».
Dmitry Suslov, Directeur adjoint du Centre d’études européennes et internationales à l’école supérieure d’économie de Moscou, a déclaré que les résultats de la réunion de Genève ne sont pas surprenants.
Chacun constatera l'absence de progrès sur les questions clefs, mais toutefois, un engagement à maintenir et même à rétablir le dialogue est à souligner.
Les relations américano-russes évoluent prudemment vers le modèle de la «confrontation gérable»
"La volonté de prolonger des pourparlers réguliers entre les ministères de la défense, la poursuite attendue des dialogues des conseils nationaux de sécurité, ainsi que la portée des négociations de Genève, qui couvraient tous les aspects majeurs du programme de relations américano-russe à savoir la stabilité stratégique, la maîtrise des armements, la Syrie, l’Iran, l’Ukraine, etc. laissent à penser que les relations américano-russes évoluent prudemment vers le modèle de la «confrontation gérable», surmontant «l’état de confrontation ingérable qui a prévalu" depuis un an et demi.
Si les républicains gardent (au moins partiellement) le contrôle du Congrès après les prochaines échéances et que les positions politiques de Trump continuent de se renforcer, ce modèle de «confrontation gérable» se consolidera pour les deux prochaines années", a-t-il déclaré à Al-Monitor.
A propos de la Syrie et de l’Iran, a déclaré Suslov, l’approche américaine "reste dure".
"[Washington] semble s'attendre à ce que Moscou fasse des concessions unilatérales, ce qui est peu probable. Cependant, l'engagement des parties à renforcer le dialogue est un signe positif", a-t-il conclu.
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